12 juin 2007

L'outil médias transformé en atout par le centre

Un véritable coup de jeune est ce que vient de donner Francois Bayrou à la configuration politique des élections présidentielles. Le président de l’UDF, s’était déjà présenté pour la première fois aux élections présidentielles en 2002, mais n’avait obtenu qu’un score moyen au premier tour avec près de 7% des suffrages. Il a su en 2007 trouver une stratégie efficace dans sa communication avec les médias. Cette dernière l’a rendue plus crédible au sein de l’opinion, mettant sa candidature et son projet au centre du débat médiatique et politique. Il a cette fois bâti sa campagne sur l’idée que le clivage droite/gauche était désuet, qu’il avait échoué pendant 30 ans à régler les problèmes économiques du pays (principalement le chômage et la dette), et que les médias avaient leur part de responsabilité dans cet échec. Il leur reproche de ne pas avoir assez donné l'image et la voix aux programmes alternatifs à ceux des deux pôles. Il propose la formation d’un gouvernement qui rassemblerait aussi bien des hommes de droite et de gauche, s’il venait à être élu. Grâce à ses apparitions fréquentes dans les médias, il a pu se faire entendre. Cela a certainement favorisé le vaste nombre de soutiens et de ralliements dont il a bénéficié, à différents lieux du paysage politique.
L'échange entre Chazal et Bayrou tourne au duel
Ce qui a véritablement lancé l’ascension du béarnais est sa critique récurrente à l’égard des médias. Il accuse les dirigeants de proximité avec certains candidats à la présidence. Il vilipende le mélange d’intérêts économiques et politiques, qui nuit à la démocratie et qui mène insidieusement à voter pour les deux candidats des deux grands pôles de la vie politique française, l’UMP et le PS. En soulevant ce débat, l’ex-ministre de l’éducation nationale a relancé un débat qui était occulté depuis 20 ans par les responsables politiques.
Ses remontrances vont avoir pour point d’orgue les deux interviews avec Claire Chazal lors du journal de 20 heures des 2 septembre, et du 2 décembre 2006. L’échange entre la journaliste et le président de l’UDF va très vite tourner au duel. Bayrou accuse Nicolas Sarkozy de trop forte proximité avec le patron de TF1, Martin Bouygues, et critique la ligne éditoriale de TF1 qui chercherait à limiter le choix des français pour la présidentielle entre Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy. Le moment fort du débat se cristallisera quand chazal à un moment de l’entretien dit que la France est toujours divisée en deux . Bayrou repond : « vs venez de dire, vous savez bien qu’a toutes les élections au 2eme tour il y a la droite contre la gauche. En 2002 il y a eu le FN contre le RPR. Qu’est ce que vous nous racontez sur votre antenne ? » En s’infiltrant dans la brèche provoquée par l’erreur de claire chazal, Bayrou a montré que se victimiser comme il l’avait fait était fondé. Les grands médias avaient réellement tendance à favoriser les deux principaux candidats du système.
Il faut faire passer Bayrou pour que Sarkozy soit battu
Suite à l’interview avec claire chazal, bayrou va voir son temps d'antenne grimper en flèche, et sa côte monter progressivement dans les sondages. Au début du mois de février, il était crédité de 12 % d’intentions de vote au premier tour. Sa progression va le mener à 22,5 %, la première quinzaine de mars écoulée. Cette montée en puissance est d’autant plus remarquable que l’UDF ne dispose pas de l’infrastructure militante et des moyens financiers du PS et de l’UMP. Ce qui alimente sa progression est aussi le fait que les sondages le donnent vainqueur d’un hypothétique second tour face à nicolas sarkozy, contrairement à royal. L’effet vote utile contre sarko commence à jouer : il faut faire passer Bayrou pour que sarko soit battu. La conséquence de sa montée dans les sondages va contraindre sarkozy à se droitiser d’avantage, flirtant de nouveau avec le FN. De son côté ségolène rappelle les éléphants, et redevient la femme d’un parti, et non la femme du changement. Cette même image de changement qui renforçait sa candidature, et qui avait été au levain de sa désignation par les militants socialistes.
L'appel des Gracques
La montée en puissance dans les sondages, additionné à l’affaiblissement des deux principaux candidats va donner à bayrou ce qui lui manquait. A savoir des ralliements ou des adhésions à son projet de rassemblement, pour prouver qu’il pourrait gouverner avec des personnalités de droite comme de gauche. Une vingtaine de socialistes vont signer deux textes les 22 et 29 mars dans Le Point appelant à une alliance entre les socialistes et le centre. Sous le pseudonyme des Gracques, du nom des citoyens romains renommés pour leur tentative infructueuse de réformer le système social romain, ce petit groupe informel revendique une gauche plus réaliste, plus libérale et plus européenne. Ils appellent à une recomposition politique entre deux pôles, l’un conservateur, l’autre social-démocrate. Ce dernier allant des Verts à l’UDF. Ces personnalités de second plan du PS, attendent du parti de la rose qu'il opère sa mue idéologique et accepte l'économie de marché, et rappellent que Ségolène a gagné la campagne interne sur une tonalité Blairiste. Ce qu'elle semble avoir oublié. L’appel de Michel Rocard, ex-premier ministre socialiste, à la mi-avril, pour une alliance avec le centre avant même le premier tour, est venu confirmer l’ampleur du courant au sein du parti socialiste attiré par le projet de françois bayrou et soucieux de se rassembler pour battre le candidat de l’UMP. D’autant que Bernard Kouchner et Claude Allègre ont abondé dans le même sens que Rocard.
Le soutien d'Azouz Bégag
Si françois bayrou a été dépecé de plusieurs personnalités centristes importantes comme André Santini (maire d’issy-les moulineaux), Simone Veil (ex-mnistre) ou Jean-louis Borloo (Ministre de la cohésion sociale et président du Parti radical), qui ont décidé de rallier la candidature de Nicolas Sarkozy, il a d’un autre côté bénéficié du ralliement de plusieurs personnalités du gouvernement villepin, qui voulaient barrer la route à Nicolas Sarkozy, et à sa politique qui flirte sur de plus en plus sur certains thèmes, avec celle du Front National. La crédibilisation de sa candidature par les médias en a fait une alternative à droite pour les déçus du sarkozysme. Azouz Bégag, ministre de la promotion et de l’égalité des chances, a décidé de soutenir le candidat de l’UDF. Il a écrit un manuscrit dans lequel il décrit en détail comment l’ex-ministre de l’intérieur l’avait menacé : « tu es un connard, un déloyal, un salaud ! je vais te casser la gueule », avant de lui demander de « ne jamais lui serrer la main à l’avenir ». A l'époque, l'un était ministre de l'égalité des chances, l'autre défendait la discrimination positive...
Un mouton dans la baignoire, édité par fayard, porte ce titre en référence à une autre phrase de l’ancien ministre de l’intérieur fustigeant les pratiques supposées des musulmans. Dans ce même sens, le club réforme et modernité du vilepeniste Hervé mariton, ministre de l’outre-mer, qui a appelé à voter pour sarkozy au second tour, compte parmi ses membres plusieurs partisans de francois bayrou, dont le ministre délégué à la recherche François Goulard.

Si le score du candidat de l'UDF s'avère en adéquation avec ce que lui donne les sondages, il ne deviendra pas président et ne passera même pas le premier tour. Mais 20% des voix lui permettraient de constituer un socle solide de popularité, qui devrait largement lui permettre de créer un nouveau parti, qui jouera un rôle important dans les échéances électorales post-2007.

khalil hatem
écrit le 21 avril 2007

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