5 juin 2009

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L’échéance législative de dimanche pourrait sceller la fin d’un leadership. Celui d’Aoun, que l’électeur libanais pourrait sanctionner une fois pour toutes, des différents échecs.
Quoi de meilleur pour débuter que son commandement militaire ? Et les deux guerres qu’il a menées à la fin des années 90. Ces guerres vont consacrer l’échec militaire du général Aoun. A deux reprises, il ne prend pas la pleine mesure de sa faiblesse relativement à son adversaire, et lance les hostilités. Dans sa guerre de libération contre la Syrie, puis face à la milice des Forces Libanaises, bien mieux organisée que l’armée, il essuie deux camouflets que les citoyens libanais paient au prix fort, avec les dégâts humains, matériels et moraux causés.
Deux élections présidentielles vont mettre en lumière son gout démesuré pour le pouvoir. En 89, le Liban est noyé dans une interminable guerre civile. L’accord de Taef, signé par les représentants des differentes communautés semble y mettre fin. Cet accord, s’il n’est pas forcément des plus avantageux pour la communauté chrétienne, car avalisant temporairement la présence militaire syrienne sur le territoire libanais, a cependant le mérite de mettre fin a la guerre et d’élire un président de la république, enclin à rassembler et à reconstruire le pays. C’était sans compter sur l’incompétence d’Aoun en terme de négociation, qui bien qu’isolé, et bien que lâché par la communauté internationale en général, et les Etats-Unis en particulier, qui avaient ‘cédé’ le Liban au régime syrien en contrepartie de son soutien pour l’invasion de l’Irak, refuse d’avaliser l’accord et s’isole jusqu’au bout. A noter qu’à l’époque le General Emile Lahoud lui accordera un soutien sans faille. Aoun ne manquera pas de lui renvoyer l’ascenseur au lendemain de la révolution du cèdre de 2005. Lahoud, homme lige du régime syrien, bénéficiait d’une prorogation exceptionnelle de son mandat de trois ans en 2004, votée par le parlement avec des députés sous pression, est alors fragilisée par la forte vague de pression internationale et de la majorité du parlement qui réclament sa démission. Aoun le soutiendra jusqu’au bout, bloquant toute nouvelle élection, tant que celle-ci ne devait pas le consacrer. Dans les deux cas de figure, le même narcissisme est au rendez-vous, le même machiavélisme dépourvu de tout brin de cohérence idéologique. Peu importe pour lui les conséquences du blocage de la plus haute sphère de l’Etat et les conséquences pour le fonctionnement de l’economie libanaise, seule compte son arrivée au pouvoir.
En 2005, le General Aoun sort de 15 longues années d’exil. Au cours de celles-ci, il aura été avec les FL, le principal pôle de l’opposition anti-syrienne. Basé en France, il avait une grande marge de manœuvre pour diriger son courant, dont les responsables et partisans ont été victimes de la répression syrienne. Le CPL a alors beaucoup de mérite dans cette libération. Si l’assassinat de Hariri a été la grande goutte qui a fait déborder le vase, sans la résistance et le travail de sape du CPL, de pair avec les FL, le retrait syrien n’aurait pas été possible. Seulement voila, une fois son retour entériné, Aoun s’allie avec les tauliers du régime syrien au Liban, au cours des élections législatives de 2005, qu’il perd a l’échelle nationale, mais qui le voient rafler plus des deux tiers des suffrages de la communauté chrétienne. A sa décharge toutefois, la volonté de leaders du 14 mars de le marginaliser, lors de la tentative de formation de listes communes, et le fait que l’alliance semble dans un premier temps uniquement politique, tant le décalage idéologique avec le Hezbollah semble important. Seulement voilà, cette alliance va se prolonger et se solidifier via un document d’entente entre le CPL et le Hezbollah. Ce document va resserrer les rangs de l’opposition et définitivement faire basculer le CPL dans l’opposition soutenue par l’axe syro-iranien. Le principal élément à tirer de ce document est qu’il donne encore plus de marge à la détention d’armes par le Hezbollah. A ce moment, loin semble le militantisme du CPL pour que le parti de Dieu rende ses armes à l’etat, via notamment son activisme pour faire passer a l’ONU la résolution 1559. Le rouleau compresseur de cette alliance, un rien explosive, pouvait etre lancé, avec pour conséquences les différents blocages anti-démocratiques qui ont suivi : sessions parlementaires et ministériels, invasion du centre-ville, et enfin, la tentative de putsch du 7 mai 2008, avec l’usage des armes du Hezbollah à l’encontre de citoyens libanais. On dira que le CPL, son chef en tête, s’est un peu fait leurré, et s’est engagé dans une spirale qu’il n’a plus pu contrôler par la suite, au grand dam de beaucoup de ses partisans.
Que dire de sa communication ? De par son attitude et ses phrases anachroniques a l’égard des journalistes de différents supports médias, Aoun ne semble pas avoir compris l’importance de l’outil communication dans une carrière politique. Il ne semble pas avoir tiré de leçons de ses longues années d’exil dans une démocratie comme la France, où les positions des journalistes sont certes critiquées par les politiques, mais toujours respectées. Libre à tout journaliste de choisir son angle et de le défendre avec ses arguments. Ses indénombrables diatribes, noms d’oiseaux a l’appui, contre des journalistes posant des questions pour éclaircir l’incohérence de ses positions, confirme son incompréhension de l’influence du quatrième pouvoir que sont les médias, sur une opinion publique.
Libre au général Aoun d’avoir longtemps défendu le projet de la laïcité au Liban, et la moins forte ingérence du patriarcat maronite dans la vie politique. Cependant, il serait dommage de se voiler la face, les religieux sunnites et chiites nationaux et transnationaux ont beaucoup d’influence sur les choix de politique et de société de leurs coreligionnaires. Que Bkerke équilibre la donne est normal, ou plutôt vital. Sans remonter tres loin dans l’Histoire, est-il besoin de rappeler que le patriarcat maronite a été le principal fédérateur de l’opposition lors de l’occupation syrienne, et n’a jamais bougé d’un iota ses constantes politiques, que sont la liberté, la souveraineté et l’indépendance totale du Liban, adoptées par la suite par le Mouvement du 14 mars. Les différents désaccords dans le fond dans la relation entre Bkerke et le CPL, ne justifiaient certainement pas, quel que soit l’angle adopté, les differentes intimidations physiques et verbales à l’egard de l’autorité patriarcale.
Sur tous ces points, Aoun sera passé à coté. En conséquence, la baisse de sa popularité au sein de l’électorat chrétien, qui s’est déjà amorcée et mesurée lors des élections partielles du Metn de 2007, ne peut aujourd’hui que s’être accentuée. A quelques heures du scrutin, la jeunesse retient son souffle.