20 décembre 2010

Les sites d’informations toujours en quête de rentabilité

Mise à jour continue des nouvelles, interactivité avec les lecteurs, accès pratique... les sites d'informations sont de plus en plus convoités par les Libanais, désormais moins portés sur la presse écrite ou la télévision. Cette demande croissante pour l'info « rapide », soutenue par une prolifération, au cours des dernières années, des portails « pure player » (sites d'informations non affiliés à un média spécifique), n'a toutefois pas été accompagnée d'un accroissement proportionnel du marché de la publicité en ligne - principale source de revenus de ces sites. Celui-ci, encore timide, n'a en effet totalisé que près de 1,5 million de dollars en 2009, soit moins de 3 % du total des dépenses publicitaires.
Par conséquent, les sites d'informations locaux, dont la plupart ont vu le jour entre 2006 et 2008, peinent à couvrir leurs dépenses et à rentabiliser leurs investissements initiaux, assez élevés dans la plupart des cas.



De nombreuses dépenses mais pas assez de recettes
Lebanon Files a ainsi dépensé, depuis sa création en 2006, près de 600 000 dollars dont 150 000 dollars pour sa phase initiale, selon Rabih Habre, directeur du site.
Naharnet a, de son côté, investi un million de dollars pour sa phase de lancement, et iloubnan 500 000 dollars.
Outre ces dépenses de base, les sites, qui emploient en moyenne 15 à 25 personnes, encourent une multitude de dépenses courantes qu'ils doivent satisfaire chaque mois. Celles-ci sont consacrées essentiellement aux salaires des journalistes, qui oscillent entre 600 et 1 000 dollars par mois, à l'entretien technique, au coût des serveurs, qui varie entre 3 000 et 5 000 dollars par mois, et aux abonnements Internet qui fluctuent entre 300 et 3 000 dollars.
« De plus, chaque fois qu'une nouvelle version du site est lancée, 30 000 à 40 000 dollars sont débloqués », indique Patrick Bassil, directeur de Tayyar.org, site affilié au Courant patriotique libanais (CPL).
Pour couvrir leurs dépenses, les sites Web ont recours à différentes sources de revenus, dont principalement celles provenant de la publicité. Ces dernières sont en croissance au Liban, mais ne sont pas encore suffisantes pour couvrir à elles seules les frais de fonctionnement des sites.
En fonction de leur audience et des caractéristiques de la clientèle ciblée, les sites fixent leurs tarifs publicitaires selon deux méthodes principales : tarification à la bannière publicitaire ou par « Cost per mille » (CPM). Le CPM est un prix que les sites Web fixent et qui représente le coût que doit payer la compagnie souhaitant faire une annonce publicitaire à chaque fois que son spot est visualisé 1 000 fois sur le site. Le prix du CPM varie entre 12 dollars à Naharnet et 15 dollars à iloubnan. Les tarifs à la bannière publicitaire (tarification utilisée par Lebanonfiles et Tayyar) fluctuent quant à eux entre 200 et 6 000 dollars par bannière.
Ainsi, grâce à ses ventes de bannières publicitaires, LebanonFiles a enregistré des gains de 70 000 dollars au cours des neuf premiers mois de l'année. Le site avait enregistré des recettes publicitaires de 20 000 dollars pour chacune des années 2008 et 2009. De son côté, le site Tayyar a enregistré en 2010 des recettes publicitaires de 300 000 dollars, en nette progression par rapport à 2009 (250 000 dollars) et 2008 (150 000 dollars).
Pour diversifier leurs ressources, Naharnet, en collaboration avec l'Agence France Presse (AFP), ainsi que le site Tayyar ont développé en outre un service SMS pour générer de nouvelles recettes.
Naharnet, dont les recettes publicitaires pour les neuf premiers mois de 2010 n'ont totalisé que 35 000 dollars, compte 50 000 abonnés à ce service dans les pays du Golfe, qui paient leurs abonnements entre 4 et 5 dollars par mois.
Tayyar compte, pour sa part, 500 abonnés en moyenne qui sont facturés 7,5 dollars par mois. Naharnet a également développé un service de messagerie électronique « qui permet aux annonceurs d'envoyer des publicités aux lecteurs, moyennant finances », indique Sami Tuéni. « Malgré ces efforts, la plupart des sites d'informations, à l'instar de la quasi-totalité des médias, tous supports confondus, parviennent rarement à dégager des profits », avoue-t-il toutefois.
En somme, à l'exception de Tayyar.org, qui a connu une importante évolution depuis son lancement en 2002, nouant ainsi avec la rentabilité à partir de 2008, les autres sites, qui ont été créés quelques années plus tard, ne sont pas encore rentables. Ainsi, selon le directeur d'iloubnan, Nehmé Lebbos, « il faudra attendre encore trois à quatre ans avant que le site ne devienne rentable ».

La régionalisation, un passage obligé pour nouer avec la rentabilité ?
Pour atteindre cet objectif, les propriétaires misent, entre autres, sur le développement du marché publicitaire en ligne.
Même si ce dernier est encore peu exploité, les annonceurs portent un intérêt grandissant à ce support médiatique, encouragés par le nombre élevé de visiteurs des sites d'informations. En effet, selon le directeur de Naharnet, Sami Tuéni, « le site est visité aujourd'hui par 30 000 personnes par jour (...). Ce nombre peut même atteindre 90 000 lorsqu'un évènement ou un incident d'ampleur survient ». iloubnan a recensé, pour sa part, plus de 12 000 visiteurs uniques par jour cette année - un chiffre qui a doublé comparé à 2009. Lebanonfiles et Tayyar comptent de leur côté 100 000 et 50 000 visiteurs uniques par jour respectivement, selon les directeurs de leurs sites.
Cette importante croissance du nombre de lecteurs en ligne constitue un élément-clé dans le développement du marché publicitaire sur Internet, assurent ces derniers.
Rappelons à cet égard qu'une étude récemment publiée par le cabinet PriceWaterhouseCoopers (PWC) a prévu une croissance annuelle des recettes des médias sur Internet de 81 % par an.
Pour arriver à de meilleurs résultats financiers, certains ont, en parallèle, fait le pari de l'implantation à l'étranger, notamment dans les pays du Golfe, où le marché publicitaire en ligne est nettement plus important (73 millions de dollars en 2009).
Naharnet a ainsi décidé de franchir l'étape de la régionalisation de ses services d'informations, qui nécessitera le déblocage de deux à trois millions de dollars.
Cependant, cette étape, bien qu'ayant des perspectives financières juteuses, est pour l'instant impossible à franchir pour d'autres sites comme LebanonFiles, car trop coûteuse. Mais vu la petitesse du marché publicitaire libanais, l'élargissement à l'échelle régionale de la totalité des sites leaders semble à terme inéluctable.

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