Quoi qu'il en soit, les Libanais - dont le pouvoir d'achat s'était nettement détérioré au lendemain de la flambée de l'euro en 2008 - ne semblent pas profiter pleinement de cette plongée de la monnaie unique. Selon l'économiste Paul Doueihy, « cela est dû au fait que les commerçants n'ont pas encore répercuté la baisse des prix des produits européens sur le marché » en présence d'un ancien stock à écouler mais aussi et surtout d'une structure oligopolistique qui leur accorde le luxe de ne pas suivre la tendance baissière de manière religieuse.
En parallèle, la baisse de l'euro n'a toujours pas eu d'impact sur le coût des importations du Liban et par conséquent sur son déficit commercial, qui devrait, selon l'économiste Louis Hobeika, reculer à la faveur de cette chute.
Un avis qui ne fait toutefois pas l'unanimité ; selon Paul Doueihy, le volume des importations (notamment d'Europe) devrait, toute chose égale par ailleurs, continuer d'augmenter, compensant ainsi l'effet prix.
Selon les chiffres officiels, le déficit s'est en tous cas creusé de 11 % au cours des cinq premiers mois de l'année, après avoir augmenté de 44 % fin mars, une décélération qui ne relève pas de la contraction de l'euro, selon Doueihy.
Hausse des importations européennes ?
Si l'impact sur les consommateurs ne s'est toujours pas fait sentir, les commerçants, eux, semblent se retourner de nouveau vers le marché européen, devenu plus alléchant. Celui-ci avait été relégué au second rang au cours des trois dernières années en faveur des marchés américains et chinois.
Effet de prix ou des nombreux accords commerciaux conclus dernièrement, les importations en provenance d'Italie ont en effet augmenté en volume net de près de 40 % au cours des cinq premiers mois de 2010, à 465 046 tonnes fin mai. En parallèle, les importations de produits belges ont bondi de 42 % par rapport à la même période de 2009. Quant aux importations de produits espagnols ou allemands, elles ont conservé le même niveau que celui de l'an dernier, à 97 206 et 99 088 tonnes respectivement.
Rappelons à cet égard que les importations allemandes avaient baissé de 16 % en volume entre 2007 et 2008, avant d'augmenter de 26 % en 2009, tandis que les importations en provenance d'Italie avaient baissé de 19,5 % il y a deux ans, avant de bondir de 47,4 % l'an dernier, reflétant ainsi l'évolution du taux de change euro/dollar.
Parallèlement, la Chine et les États-Unis avaient profité de la conjoncture, se hissant au premier rang des fournisseurs du Liban. Les importations américaines avaient en effet bondi, en volume, de 26 % en 2008, à 1 869 189 tonnes et de 29 % en 2009, à 2 415 385 tonnes. Quant aux importations de produits chinois, elles avaient augmenté de 18 % en 2008, à 598 471 tonnes, avant de légèrement baisser de 1,5 % en 2009.
Face à la situation actuelle, les importations provenant de ces deux pays risquent aujourd'hui de perdre du terrain. Les importations américaines ont d'ailleurs reculé déjà de 17,1 % au cours des cinq premiers mois de 2010, selon les chiffres officiels des douanes.
Contrairement à l'Italie, l'Allemagne ou les États-Unis, dont les exportations vers le Liban ont suivi la variation de l'euro, les importations de produits français ont continué d'augmenter, faisant fi de cette évolution en dents de scie de la monnaie unique face au dollar. Celles-ci ont en effet respectivement progressé de 42 % et de 7,4 % en 2008 et 2009. Selon Nassib Ghobril, directeur du département de recherche économique à la Byblos Bank, cela s'explique en partie par l'engouement traditionnel des Libanais pour les produits made in France mais aussi par des prix relativement compétitifs, notamment dans le secteur automobile, favorisés par des accords préférentiels conclus entre les concessionnaires libanais et les constructeurs français. Un avis partagé par l'économiste Paul Doueihy, selon lequel « la monnaie n'est pas la seule variable influant sur l'évolution des importations ». « D'autres critères comme la solidité des liens et des accords commerciaux entre les pays font partie de l'équation », souligne-t-il.
L'indexation de la livre libanaise à l'euro
Quoi qu'il en soit, la chute de l'euro a, par ailleurs, remis sur le tapis la question de l'indexation de la livre au dollar, celle-ci ayant été soulevée pour la première fois à l'époque où le Liban subissait de plein fouet les conséquences de la flambée de l'euro. Selon l'économiste Louis Hobeika, « une indexation de la monnaie locale à l'euro ou à un panier de devises étrangères devrait être sérieusement examinée, d'autant que plus du tiers des importations du Liban proviennent des pays de l'Union européenne (UE) ». L'indexation à une seule monnaie est en tous cas néfaste car « elle contraint le Liban à subir la politique monétaire » du pays émetteur de la monnaie à laquelle la livre est indexée.
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