Au Liban, les statistiques sont souvent inexistantes ou peu fiables. Jusque-là, le nombre de réfugiés palestiniens et leurs conditions socio-économiques n'avaient pas échappé à cette règle. Cependant, 60 ans après la Nakba, et les nombreuses vagues d'émigration vers le Liban qui ont suivi, une première étude d'ampleur sur la situation des Palestiniens vivant dans les 12 camps répartis sur l'ensemble du territoire libanais ou dans les alentours de ces camps a finalement vu le jour. Élaborée par l'Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine au Proche-Orient (Unrwa) en collaboration avec l'Université américaine de Beyrouth, cette étude, réalisée sur un panel de 2 600 ménages, a été présentée hier dans le cadre d'une conférence à l'AUB.
À cette occasion, le principal enquêteur du rapport, Jad Chaaban, a exposé les principales caractéristiques de la population palestinienne résidente, mettant l'accent, en parallèle, sur les nombreuses difficultés socio-économiques auxquelles font face les réfugiés.
Près de 270 000 résidents, dont 66 % sous le seuil de pauvreté
La moitié de cette population est âgée de moins de 25 ans, alors que 53 % sont des femmes. En outre, un ménage est composé en moyenne de 4,5 personnes, tandis que la moitié des réfugiés vivent dans la région du Sud-Liban, indique en outre l'étude.
Au niveau de l'emploi - facteur-clé d'intégration sociale - l'enquête révèle que 56 % des Palestiniens résidant au Liban sont au chômage et que deux tiers des personnes employées exercent des métiers peu qualifiés, concentrés essentiellement dans les secteurs de la construction et de l'agriculture.
Ces chiffres pourraient toutefois s'améliorer suite à l'amendement en août dernier de l'article 59 du code du travail, qui a désormais permis aux Palestiniens d'accéder à 72 métiers, jusque-là hors de portée. Nombreux sont toutefois les sceptiques qui y voient une amélioration en trompe-l'œil, étant donné que l'amendement légal ne porte pas sur les professions libérales (médecins, avocats...)
Quoi qu'il en soit, cette situation précaire au niveau du marché du travail n'a fait qu'aggraver les conditions de vie des Palestiniens au Liban. En effet, selon le rapport, 6,6 % des réfugiés vivent aujourd'hui sous le seuil d'extrême pauvreté, soit avec moins de 2,17 dollars par jour, et 66,4 % d'entre eux vivent sous le seuil de pauvreté, soit avec moins de 6 dollars par jour. L'étude note en outre que plus de 81 % des réfugiés vivant sous le seuil d'extrême pauvreté habitent dans les alentours des cazas de Tyr et de Saïda.
De plus, selon l'étude, 66 % des maisons souffrent d'humidité et de fuites d'eau, tandis que 8 % des ménages vivent dans des abris avec des textures de mur et/ou toit en tôle ondulée et 8 % vivent avec plus de trois personnes dans une chambre.
Seuls 6 % des réfugiés détiennent un diplôme universitaire
Dans ce contexte difficile, l'éducation - un des principaux vecteurs de développement socio-économique - est une voie que très peu de jeunes réfugiés empruntent. En effet, seulement la moitié des réfugiés âgés entre 16 et 18 ans suivent des études secondaires, tandis que 8 % des réfugiés âgés entre 7 et 15 ans ne sont pas inscrits à l'école, et uniquement 6 % des Palestiniens détiennent un diplôme universitaire.
Au niveau des services de santé, l'étude de l'Unrwa indique en outre que 95 % des réfugiés ne disposent d'aucune forme d'assurance médicale. Une situation d'autant plus inquiétante que près du tiers de la population palestinienne souffrent de maladies chroniques, et que 21 % des réfugiés affirment avoir connu des épisodes dépressifs et diverses formes de troubles psychologiques.
Enfin, l'enquête affirme qu'une majorité des réfugiés souffrent de malnutrition, précisant à cet égard que 57 % des membres des 2 600 ménages inclus dans l'enquête consomment régulièrement des aliments sucrés tandis que 68 % consomment fréquemment des boissons gazeuses et autres formes de nutriments malsains.
Vers une amélioration des conditions socio-économiques ?
Au-delà des chiffres, cette étude devrait contribuer à améliorer les conditions socio-économiques des réfugiés palestiniens, selon les participants à la conférence. En effet, l'Unrwa ambitionne de s'en servir pour convaincre les donateurs, le gouvernement libanais et les organisations non gouvernementales (ONG) de contribuer davantage à l'amélioration de la situation des réfugiés palestiniens. L'étude va en outre permettre à l'Unrwa de réajuster son programme d'aide, en ciblant davantage les populations « extrêmement pauvres ».
Enfin, l'Unrwa souhaite se servir de cette étude pour développer des partenariats avec d'autres organisations, en vue d'harmoniser les efforts et les stratégies.